Pour identifier la fraude fiscale, l’administration fiscale recourt à différents outils technologiques liés à l’intelligence artificielle et au big data. Elle s’appuie concrètement sur des traitements automatisés, du croisement d’informations, etc. Cette stratégie d’inspections fiscales de la DGFiP manque toutefois d’efficacité. En cause notamment l’inexistence de données chiffrées sur la fraude.
La Cour des Comptes a publié une enquête sur l’efficacité des technologies que l’administration fiscale utilise pour surveiller les fraudes. Il en ressort que les instruments IT auxquels l’instance gouvernementale recourt améliorent les rapports avec les contribuables. Après dialogue avec le fisc et sans besoin d’opérer un suivi formel, ces derniers corrigent d’eux-mêmes leurs informations, indique l’étude. Une décrue de 41 % des vérifications sur pièces liées aux impôts patrimoniaux s’est ainsi produite entre 2012 et 2022. Du côté de l’impôt sur le revenu, la baisse s’est établie à 22 %.
Les magistrats de la rue Cambon ont néanmoins noté une difficulté à estimer les bénéfices de l’outillage technologique.
Le fisc est dépourvu de statistiques exactes
Depuis 2018, selon l’étude, la proportion des cas ayant subi un redressement dans les dossiers scrutés s’est figée à 55 %. Cette stabilisation invalide l’hypothèse selon laquelle la stratégie de contrôle de Bercy a provoqué un énorme gain qualitatif, souligne l’enquête. Le rapport a toutefois divulgué le pourcentage des inspections réalisées à l’aide de croisements de données en 2022. La Cour des Comptes l’a calculé à environ 25 %. La juridiction financière explique :
Les gains de productivité associés au croisement de données en masse sont probables à défaut d’être quantifiables, faute de données précises sur les emplois affectés à la détection sur la période 2017-2021.
En outre, la stratégie actuelle du fisc s’exprime seulement par une hausse des montants perçus, soit à travers un ROI direct. La DGFiP, qui travaille parfois avec des consultants informatiques, a recouvré après vérification :
- 14,6 milliards d’euros en 2022 (5,2 milliards d’euros auprès des particuliers) ;
- 13,4 milliards d’euros en 2021 (5,1 milliards d’euros auprès des particuliers).
Ces sommes étaient estimées à respectivement 14,6 milliards d’euros et 14,4 milliards d’euros en 2013 et 2012. Les montants exigés aux contribuables s’élevaient alors à 4,4 milliards d’euros et 4,6 milliards d’euros. Les locataires de la rue Cambon pensent que les transformations déterminantes ayant changé la gestion fiscale pour les particuliers :
« n’ont pas bouleversé l’ordre de grandeur des sommes réclamées par le fisc après contrôles ».
Pour précision, la stratégie actuelle de la DGFiP repose sur des contrôles ciblés basés sur les risques identifiés. Elle exclut leur systématisation sur le sommet de la pyramide des déclarants.
Bercy manque de KPI
D’après les magistrats, l’administration fiscale n’a également pas instauré de KPI mesurant l’efficacité des détections à l’aide des instruments statistiques. Ils décryptent que les repères d’activité et indicateurs de Bercy reposent sur les inspections effectuées et ne relient nullement :
- Les raisons ayant provoqué l’engagement de ces contrôles ;
- Leurs résultats.
Selon l’étude, jauger l’efficacité des technologies requiert par ailleurs d’évaluer l’étendue de la fraude fiscale et de son évolution. Or, regrettent les sages de la rue Cambon, l’État français, à la différence de plusieurs pays, ne détient aucune estimation exacte :
- Ni de la fraude fiscale ;
- Ni de l’écart fiscal (écart entre l’impôt à régler et la somme payée).
Ils affirment que Bercy ne possède même pas d’ordre de grandeur concernant le montant de chacun de ces éléments.
Enfin, la DGFiP conduit sa stratégie technologique en même temps que la généralisation du pré-remplissage automatique. Ce cumul complique la déclaration d’informations intentionnellement faussées ou augmente ce risque, juge la Cour des Comptes.
Pour planifier des contrôles formels, la France s’appuie aujourd’hui beaucoup sur toutes les informations fiscales, provenant du renseignement ou déclarative. Cette démarche s’est soldée en 2022 sur l’émission de 155 000 propositions d’examens de particuliers grâce au croisement de données. En 2018, l’on en a dénombré le tiers.
L’outillage technologique du fisc se fonde principalement sur le programme CFVR (Ciblage de la fraude et valorisation des requêtes). Le projet a été instauré en premier lieu sur les déclarations des entreprises avant d’être élargi petit à petit aux particuliers. Un consultant informatique en quête de mission peut donc prospecter de ce côté vu le chantier encore encours.
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