Uber, Deliveroo, Airbnb, Mesdepanneurs… L’ubérisation du travail, en plein boom depuis quelques années, bouscule le marché de l’emploi traditionnel et crée régulièrement la polémique. La faute à son modèle économique hybride. En effet, chez ces nouveaux acteurs du numérique, entre statut d’indépendant et de salarié, la frontière n’est pas toujours très nette. Retour sur la définition de cette nouvelle forme d’emploi, ses actualités et ses limites pour les travailleurs non salariés.
L’ubérisation du travail, c’est quoi exactement ?
L’ubérisation est un néologisme créé à partir du modèle économique de la société américaine Uber qui met en relation, via une application mobile, des chauffeurs « occasionnels » et des clients. Par ubérisation, on désigne maintenant toutes les entreprises qui gèrent des plateformes digitales de mise en relation. Le terme a été inventé et popularisé en 2014 suite à une interview dans le Financial Times de Maurice Levy, ancien président du directoire du groupe Publicis.
L’ubérisation du travail n’est pas réservée qu’aux services VTC (Véhicule de Tourisme avec Chauffeur) et s’applique à de nombreux domaines : restauration, immobilier, édition, hébergement, services à domicile… Sa fulgurante croissante s’explique principalement par le développement des services dématérialisés grâce aux avancées technologiques du numérique et la progression continue du nombre de travailleurs non salariés.
Quels sont les avantages de l’ubérisation du travail ?
Les plateformes de mise en relation permettent aux travailleurs indépendants de trouver des clients plus facilement et par conséquence, de passer moins de temps sur la prospection. Fonctionnant en temps réel, l’indépendant peut aussi faire preuve de beaucoup de réactivité, une qualité maintenant presque incontournable dans le domaine des prestations de services. Les formalités administratives sont également allégées puisque la plateforme digitale se charge de la facturation et de l’historisation de toutes les commandes passées.
Côté entreprise, l’uberisation du travail génère de réels gains économiques grâce à la mutualisation de ressources, l’utilisation d’outils numériques moins coûteux et des coûts faibles pour les infrastructures du type location de bureaux, achat de mobilier, services supports…
Notons également que, dans le cas d’Uber, son implémentation s’est avérée beaucoup moins onéreuse que le lancement d’un service de transport de personnes traditionnel. La qualification de sa prestation de services lui permet de contourner les contraintes juridiques de certains pays et donc, de pouvoir lancer son activité sans avoir de licence taxi à payer.
L’ubérisation du travail soulève des polémiques
L’ubérisation est régulièrement taxée de forme d’emploi salarié déguisé. Si l’indépendant s’associe à une plateforme de mise en relation de manière occasionnelle en complément de son activité principale ou bien s’il travaille avec plusieurs fournisseurs, cette polémique ne le concerne pas.
En revanche, si le travailleur non salarié est amené à travailler pour le compte d’une seule plateforme de manière régulière, la question d’une forme de salariat dissimulé peut être soulevée. A quel moment commence la subordination juridique qui caractérise principalement un contrat de travail ?
En France, certains politiques comme Jean-Luc Mélenchon ou Benoit Hamon penchent ouvertement vers du salariat déguisé et tente de proposer une requalification de ses indépendants en salariés ou bien de leur trouver un nouveau statut approprié. Un chauffeur LeCab a notamment été requalifié de salarié par décision de justice.
A l’étranger, les procédures se succèdent. Pour exemple, 30 000 VTC britanniques ont eu la possibilité en 2017 de se requalifier comme salariés. A l’inverse, le CPH de Paris a statué en 2018 sur une non-requalification d’un chauffeur Uber en salarié. Il a été démontré que cet indépendant a eu la possibilité de garder toute sa liberté de choix dans ses horaires et ses clients. La subordination juridique ne s’est donc pas appliquée puisque l’indépendant est resté un travailleur autonome, une valeur intrinsèque au statut des micro-entrepreneurs.
L’ubérisation du travail pénalise-t-elle les indépendants ?
Autre sujet soumis à controverse, la destruction des emplois liée à l’ubérisation du travail. Pour le moment, cet argument n’a pu être prouvé. Il est aujourd’hui très simple de lancer sa microentreprise et de s’installer en tant qu’indépendant.
Les services numériques et ces nouvelles plateformes digitales de mise en relation ajoutent aussi leur pierre à l’édifice en permettant aux indépendants de se lancer plus facilement. Trouver des clients sur la toile est bien plus aisé aujourd’hui que par le passé. Cependant, il ne faut pas omettre la précarisation des indépendants qui peuvent se retrouver totalement dépendants de ces plateformes.
D’un autre côté, l’ubérisation du travail ne vient pas non plus mettre en péril le monde du salariat classique qui connaît lui-même des soucis de précarisation (CDD, intérim…). Aujourd’hui, même si le nombre d’indépendants s’est accru de 25% sur les 15 dernières années, le monde du salariat reste stable. 9 travailleurs sur 10 sont salariés.
L’ubérisation du travail et le numérique viennent bouleverser la structuration traditionnelle du marché de l’emploi actuel. Des mutations auxquelles les lois, les acteurs et les gouvernements doivent s’adapter plutôt que de les envisager comme des menaces car bien sûr, difficile d’arrêter le progrès.
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